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Les éco-labels

Quand l’écologie rencontre le marketing

Texte de Jacques Le Meur pour l’Espace des sciences/Maison de la Mer – 2009

La définition

Faute de définition intangible et officielle, on peut parler d’éco-labellisation, d’éco-certification ou d’éco-étiquetage. Ces pratiques viennent en application de directives adoptées par la FAO http://www.fao.org/home/fr/ (Food an Agriculture Organisation, branche de l’ONU) en mars 2005 lors de la 26e session de son Comité des pêches « pour l’étiquetage écologique des produits de la pêche ».

Il s’agit de certifier par un logo distinctif ou une déclaration qu’un produit a été capturé dans de bonnes conditions en termes d’environnement. Il faut que le prélèvement sur les stocks de poisson soit suffisamment maîtrisé pour ménager leur pérennité. Cela suppose une bonne gestion de l’activité des pêcheurs, avec une organisation collective disciplinée et le respect de la réglementation. Il faut aussi vérifier que la capture ne déséquilibre pas l’écosystème. Les engins de pêche, par exemple, ne doivent pas ravager les fonds et détruire d’autres espèces. Les pêcheurs doivent ainsi favoriser les techniques sélectives.

La définition

Les labels existants

Il existe deux types de labels, ceux gérés par des ONG (organisations non gouvernementales) et ceux créés par les professionnels eux-mêmes.

Dans la première catégorie, le plus connu, Marine Stewardship Council (MSC) a été créé en 1999 par l’ONG WWF et la firme Unilever. Il a élargi sa base a de nouveaux partenaires et bénéficie aujourd’hui d’une large crédibilité dans le monde des produits de la mer en raison de son indépendance et de son approche scientifique. Il est financé par les contributions de ses membres et sympathisants, 5 % du budget provenant des redevances de la labellisation.

Plusieurs autres labels sont proposés sur le marché : Naturland (créé par une ONG allemande pour les pays en développement), Delfin Safe, Friend of the Sea (fondé en 2006 par le créateur de Dolfin Safe), Krav (Suede), Fair Fish (label suisse pour la peche artisanale), Marine Ecolabel Japan, Ecofish (produits de la mer « durables »), Fishwise (label américain de Sustainable Fishery Advocates, qui s’intéresse notamment au mercure), etc. Pour l’instant, MSC, qui couvrirait plus de 8 % des pêches mondiales, est le seul respectant les préconisations de la FAO.

De leur côté, les professionnels peuvent créer leurs propre label, comme le « Pêche responsable » de l’armement Scapêche, sur la base d’un cahier des charges autonome certifié par le Bureau Véritas. Premier armateur français de pêche fraîche, Scapêche est une filiale du groupe Intermarché. Plusieurs grandes surfaces françaises ont créé des logos et des marques à connotation environnementale sur leurs propres critères. Ces marques ou labels ne sont pas considérés comme des éco-labels parce que leurs initiateurs définissent eux-mêmes les critères à prendre en compte, ce qui est contraire aux directives de la FAO.

Les labels existants

Une réglementation encore libre

Actuellement, la délivrance d’un label est un acte privé passé entre un demandeur et le propriétaire d’une marque. Les directives de la FAO ne sont pas contraignantes et il n’existe aucune réglementation. L’Union européenne a suivi les avis de la FAO et lancé une réflexion pour mettre au point un encadrement public. Elle pourrait éventuellement étendre aux produits alimentaires son label écologique « Petite Fleur », qui existe déjà pour les appareils électroménager, les peintures et vernis. Ces études ne seront pas achevées avant fin 2011.

Dans ces conditions, la France a pris les devants en lançant en 2009 son propre label, la marque « Pêcheur Responsable « , et en diffusant dans toute la filiere un guide destiné aux professionnels. Officialisé par décret, le cahier des charges a été mis au point par « France Agrimer » https://www.franceagrimer.fr/, l’organisme national chargé de la promotion des produits de la mer. Il englobe le respect des ressources marines et de l’environnement, le maintien de la qualité des produits, la traçabilité et les conditions sociales des équipages.

Une réglementation encore libre

Méthode et coûts

Pour obtenir un éco-label, il faut conduire une procédure longue qui débute par le choix d’un label, le recours à une société de certification agréée (par exemple le Bureau Véritas), suivi d’une série d’audits jusqu’à la décision et l’officialisation. Il faut ensuite, en fonctionnement, effectuer régulièrement des audits de confirmation.

Ce processus, qui peut durer jusqu’à deux ans, a un coût variable selon les labels. Le plus connu, MSC, n’est pas a la portée de tous. Il faut compter 8 000 dollars pour une pré-évaluation, de 40 000 a 500 000 dollars pour une évaluation complète, plus des vérifications annuelles pour 1 000 a 3 000 dollars. La redevance annuelle, qui est le prix de l’utilisation du logo MSC, comprend un montant fixe selon une grille et une partie variable, représentant 0,5 % du chiffre d’affaires réalisé sur les produits labellisés.

Méthode et coûts

Le but de la démarche

La labellisation peut etre conduite dans deux directions. Dans le jargon industriel, on appelle  » B2B  » ( » business to business ») celle qui est effectuée d’un agent économique à un autre, par exemple par un fournisseur en direction d’un négociant ou d’un transformateur. La démarche « B2C » (« business to consumer « ) vise directement le consommateur final, c’est à dire le grand public dans le cas de l’industrie alimentaire.

Par exemple, des armements peuvent labelliser une pêcherie pour répondre à une attente de leurs clients, mareyeurs, transformateurs, grande distribution. Dans ce cas, c’est un message entre professionnels qui peut aussi, au passage, servir d’argument quand on veut défendre ses droits dans l’Europe des pêches (B2B).

L’étiquetage sur le produit final en direction du consommateur relève de la responsabilité du dernier revendeur (B2C). Ce dernier peut rechercher des fournisseurs sur la base de ses propres exigences ou servir simplement de relais à une labellisation déjà effectuée en amont.

Le but de la démarche

Le consommateur, maître du jeu ?

Dans une société dominée par la consommation et la médiatisation, la « demande du consommateur » est un concept incertain. Dans ses argumentaires WWF affirme « combien le consommateur a un rôle capital à jouer « .  » Si son pouvoir est important, encore faut-il qu’il puisse l’exercer en étant bien informé « … « Notre objectif est de l’aider a faire le bon choix « .

Les messages écologistes passent par le canal médiatique et, s’agissant de produits alimentaires, se retrouvent melés à la masse des messages du système de distribution. Et une partie de l’écologie construit des événements dramatisés, qui sont formatés pour un rendu maximal dans les médias d’image.

Dans la vie quotidienne, la saturation médiatique finit par glisser sur les esprits. De plus, les consommateurs ne forment pas un milieu homogène. Chaque segment à son comportement propre en fonction de son éducation et de ses moyens. Pour des personnes d’âge élevé, le « bon » poisson sera celui dont les qualités et la fraîcheur seront attestées par le chef de rayon ou le poissonnier. Ceux qui choisissent le discount veulent consommer au maximum malgré des moyens limités.

Le poisson labellisé permettra-t-il de cibler les mêmes couches sociales que le café équitable ?

Pour l’instant, une telle offre est limitée en France. Et quand un client achète une barquette en polystyrène contenant un poisson labellisé, choisit-il la praticité du libre-service ou la certification ? Le polystyrène est-il durable ?

exemple de marque qui n'est pas un ecolabel !

Conviction ou opportunisme ?

WWF et Greenpeace https://www.greenpeace.org/global/ ont élaboré chacun de leur côté des « listes noire » de poissons qu’il ne faut plus acheter parce qu’ils sont sur-exploités, voire menacés de disparition. Ces deux ONG ont trouvé un réel écho dans les revues qu’achètent les consommateurs ou les consommatrices. Les industriels de la transformation ou de la distribution constatent ces campagnes et, sans être certains de leur réel impact au moment de l’achat, choisissent le principe de précaution. Ils refusent le risque d’être dénoncés dans la presse ou de voir un de leurs produits montré du doigt. Question d’image et de chiffre d’affaires : les nouvelles négatives ont plus d’impact que les bonnes.

Il serait incongru de reprocher à ces industriels une attitude opportuniste. Si leur communication veut faire passer un message de conviction, ils s’achètent aussi la tranquillité du commerce et sécurisent leurs parts de marché, c’est a dire qu’ils défendent leurs intérets. Plusieurs entreprises bien structurées ont déja pris en compte dans leur totalité ces notions qu’elles intègrent à une démarche plus large de développement durable. Des arguments d’intéret général viennent ainsi se superposer aux habituels discours d’entreprise, signe d’une époque.

Les enseignes de la grande distribution et les industriels commencent également à créer leur propre label :

  • « Pêche responsable » pour Carrefour,
  • « Respect des ressources marines » pour Findus.
Conviction ou opportunisme ?

Quel avenir ?

L’avenir est difficile à prévoir. Actuellement, il existe un mouvement d’adhésion dans de nombreuses flottes de pêche mondiales. La démarche leur apporte un double avantage, une bonne image vis a vis de l’aval (les consommateurs) et un bon outil de gestion de leur propre activité. La pression écologique semble irrésistible, du moins dans les sociétés développées, médiatisées et à forte opinion publique. En Europe, ce facteur vient se rajouter à une gestion communautaire des pêches déjà très complexe. Dans la filière, l’avantage que peut donner l’éco-labellisation ira en s’estompant quand elle se généralisera à tous ceux qui y ont intérêt.

Au final, c’est le consommateur par son inertie ou son implication qui décidera s’il s’agit d’une démarche générale ou d’une révolution culturelle à l’intérieur d’une filière. Il en restera toujours une meilleure gestion des ressources marines.

Quel avenir ?